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  • Le Bureau des SR

« Ma langue maternelle va mourir », de et avec Yannick Jaulin

Dernière mise à jour : 8 janv. 2022


© Eddy Rivière


Octobre 2019, Théâtre des Bouffes du Nord. À peine entré (ou plutôt jailli tel un diablotin !) sur scène, Yannick Jaulin nous présente son spectacle en anglais, en patois, et enfin, en français. Trois langues, trois sensibilités pour dire le monde d’aujourd’hui.

Avec beaucoup d’humour, de sensibilité et d’autodérision, ce saltimbanque des mots va nous causer de ce qui lui tient à cœur : la disparition programmée de la ruralité et des identités locales et, par contrecoup, des dialectes au profit d’une « langue unique », le français. Le français menacé lui-même de devenir une langue locale perdue dans une métalangue que serait le « globish » (« global english »).

Discours politique ? Certes, pour Jaulin, la langue unique est un outil de domination culturelle et sociale puisqu’elle exclut par définition toutes les autres langues. Mais c’est surtout une déclaration d’amour à la langue, la sienne en particulier – le « parlange », ce patois de Vendée dont il est originaire – et à toutes les langues. Une déclaration qui laisse la porte ouverte à la richesse apportée par d’autres cultures.

L’homme a l’art de nous faire rire avec ce sujet primordial. Il faut tout son talent de conteur pour souligner l’importance sociale du langage sans tomber dans la démonstration. Le langage qui exclut la personne qui ne le maîtrise pas (le récit du tribunal, le « plouc »), mais aussi celui qui peut rassembler une communauté, exprimer une culture locale, ancrer dans la réalité, à l’opposé de celui, froid et technocratique, des politiques. Sans oublier le langage maternel, terreau dans lequel se nourrissent nos affects les plus élémentaires, notamment ceux qui nous viennent de l’enfance.

On rit aux éclats lorsqu’il montre au gouvernement le pas de danse qui va lui permettre de retrouver le contact avec la terre. La terre, son terroir natal auquel il porte un amour quasi charnel, mais aussi notre terre à nous, les hommes.

Renforçant son propos, la musique et les chants d’Alain Larribet, venus du Béarn, mais influencés par de lointains ailleurs, nous bercent de leurs sons envoûtants parce qu’intemporels, profonds, comme surgis des profondeurs de terres multiples. Entre le conteur et le musicien, la complicité est palpable.

Du rire, de l’émotion, il y en a beaucoup dans ce spectacle. Matière à réflexion aussi. Sur la langue bien sûr, en tant qu’outil d’identité, rempart ultime contre la standardisation des cultures, mais aussi en tant que lien entre les hommes, maintien indispensable de la collectivité.

Un spectacle beau et chatoyant comme les mots de Yannick Jaulin, qui aurait dû continuer à parcourir les routes de province pour le faire partager au plus grand nombre. Du fait du coronavirus, la tournée a été stoppée, mais qui sait, peut-être le retrouverons-nous un jour sous une autre forme ?

Véronique Tran Vinh


Collaboration à l’écriture Morgane Houdemont et Gérard Baraton

Accompagnement musical et composition Alain Larribet 

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